Rencontres sur de Patrimoine Culturel Immatériel en Martinique
Monsieur Le Président du C.C.E.E,
Monsieur Le Président du Conseil Economique et Social,
Messieurs les présidents des commissions Culture et Education du CCEE, messieurs MASSOL et BISSOL,
Madame la déléguée aux Arts et à la Culture du Rectorat,
Mesdames, Messieurs les acteurs de la tradition,
Mesdames, Messieurs,
Au nom du Président de Région Serge LETCHIMY, je vous souhaite la bienvenue.

Le Patrimoine Culturel Immatériel rend compte d’une définition et un rapport au patrimoine qui évolue au sein des instances officielles mondiales comme l’ONU et l’UNESCO mais aussi au sein de l’Etat français. Jusqu’alors les politiques institutionnelles liées en la matière demeuraient calquées sur un modèle privilégiant le bâti, les monuments. Les contradictions vont culminer à leur paroxysme lorsque nos collectivités locales, nos musées, les politiques patrimoniales vont ignorer et ignorent encore l’essentiel de notre patrimoine : un ensemble d’éléments non matériels, de l’ordre du savoir, du savoir-faire, du savoir être, du rapport à l’autre, de manière de faire société, d’institutions, d’organisations de la connaissance et de valeurs de l’esprit. Leur caractère éphémère dans l’expression a poussé à chercher à saisir cette volatilité par le biais d’approches et de concepts qui vont opposer monde de l’écrit et monde de l’oralité. Il faut traduire par sociétés occidentales face au reste du monde. Mais leur traduction en termes politique et de hiérarchie des pratiques culturelles vont reléguer nos pratiques au rang de savoirs primaires dans une vision coloniale.
Dès les années 40, en plein régime vichyiste, période dénommé chez nous « L’Amiral Robè », des intellectuels martiniquais s’étaient déjà élevés contre cette vision. La revue Tropiques, qui connaîtra onze parutions (pour quatorze numéros) de 1941 à 1944, s’articulait autour d’un inventaire encyclopédique d’une identité officiellement affirmée. Les textes des critiques littéraires de Tropiques, étaient aussi encadrés d’exposés et d’analyses sur le patrimoine culturel Martiniquais : les contes et légendes des Antilles, les survivances africaines et les pratiques culturelles héritée de l’Inde, la faune et la flore du pays, l’Histoire et l’analyse politique…
Vous comprenez donc tout l’intérêt que nous portons à vos travaux. Permettez-moi, au nom du Conseil Régional et de son président Serge Letchimy, de saluer tout d’abord cette initiative du CCEE et de remercier tous ceux qui ont travaillé à la réalisation de ce colloque placé sous l’autorité scientifique de Juliette SMERALDA. Il nous faut également saisir cette opportunité qui nous est offerte afin d’amplifier, de valoriser et rendre hommage à tous ceux qui n’ont jamais douté de l’importance de leur patrimoine intangible, sans la nommer ainsi. Je pense aux porteurs de traditions naguère dénigrés, à nos associations, à nos militants de la culture qui ont maintenus et maintiennent vivant nos patrimoines culturels qualifiés aujourd’hui d’immatériels. J’ai aussi une pensée pour tous ceux qui ont permis que des traditions et pratiques patrimoniales traversent le temps. La liste de tous ces militants culturels sera longue mais nous pouvons citer entre d’autres, les acteurs du Bèlè renouveau, de la haute-taille, du Conte, de Loulou Boislaville pour les Chanté noël, Barrel Coppet pour la clarinette, Josélita Germany et son époux, Dédé saint Prix pour le Chouval Bwa, Monsieur Brival et les marins-pêcheurs pour la course de Gommiers, le regretté Père Bernard David pour ses travaux sur les proverbes, Anca Bertrant, tous ceux qui militent en faveur de la reconnaissance et de la valorisation de notre langue créole, Ina Cesaire, le regretté professeur Raymond RELOUZAT pour l’ethnographie du conte, Madame Fidélin et Mr Nossin pour la pharmacopée et tous les autres acteurs en position de veilleur de leurs traditions sans oublier nos artistes contemporains…
Je vous remercie d’avoir eu une pensée pour Gérard Watello, professionnel de la Culture au sein du Sermac. Il nous a trop vite quittés en plein engagement pour la reconnaissance du patrimoine traditionnel vivant au sein du centre culturel qu’il dirigeait à Fort-de-France et du CCEE dont il était un membre très actif
D’énormes enjeux de toutes sortes se greffent autour de nos patrimoines. Ils nous invitent à la plus grande vigilance pour les sauvegarder, en garder la maîtrise. Il s’agit de chercher à se prémunir autant que possible de pillages, de risques d’éradication définitive d’aspects essentiels de notre existence, de notre identité en tant que peuple et de nation.
Le Conseil Régional a adopté récemment son Plan de Développement Culturel qui prend en compte pleinement ce champ à travers la diffusion, l’enseignement et la valorisation du Patrimoine Culturel Immatériel. Cela implique le secteur économique, l’emploi, le social pour une plus grande cohésion sociale dont nous avons grand besoin aujourd’hui. A partir des outils régionaux de l’Agence Régionale de Développement Culturel et du Pôle de Recherche, d’Enseignement, de Professionnalisation du secteur Artistique et Culturel nous voulons conforter l’ensemble des acteurs et institutions culturelles dans ce domaine. Les musées régionaux y porteront un accent particulier pour donner une plus grande lisibilité et de moyen au patrimoine culturel immatériel.
En conclusion, la création de nouvelles formes culturelles à partir du patrimoine culturel immatériel est donc le défi qui attend la culture martiniquaise aujourd’hui car c’est dans ces nouvelles formes que réside l’authenticité mais aussi la capacité de s’adapter à la modernité. Le point de départ d’une telle approche est de procéder à une nouvelle lecture du patrimoine, et donc de l’appréhender non d’une manière statique mais d’une façon vivante et dynamique.
Ceci ne peut avoir lieu qu’à la suite de l’étude, de la conservation et de la préservation de ce patrimoine, ce qui nécessite des actions comme:
- le recensement et l’enregistrement, oral et écrit, des manifestations de la mémoire collective par l’intermédiaire d’équipes de chercheurs et d’experts, dans le cadre de centres de recherches spécialisés;
- la reprise d’une muséographie dans les musées d’arts populaires renforcés par les nouvelles technologies immatérielles de l’informatique et de la communication;
- l’édition d’encyclopédies multimédias spécialisées sur les arts et les traditions populaires (encyclopédie des proverbes, encyclopédie multimédia des instruments de musique et du patrimoine musical, encyclopédie des habits et des bijoux traditionnels…) à partir des travaux des Cahiers du Patrimoine;
- l’organisation de festivals, d’expositions et de journées consacrés au patrimoine culturel immatériel dans toutes ses formes qui puissent reconstituer certains aspects de l’histoire civilisationnelle des Martiniquais, de leur origine, leur pensée, leur sagesse et les lieux de leur mémoire.
- sauvegarder les richesses des générations passées et les exploiter pour l’édification de l’avenir, afin d’éviter toute rupture et de garantir la communication entre les générations et les civilisations pour poursuivre l’édification de l’identité martiniquaise par la mise en place d’un plan pluriannuel pour la sauvegarde du patrimoine immatériel.
Bon travay ! sé grenn diri ka plen sak diri !
Yvette GALOT
Présidente de la Commission Culture et Patrimoine – 14 janvier 2011
